Janvier 1986 – Volume 2.1
NOËL CONTINUE
Noël n’est pas pour un jour. Jésus est né sur la terre une seule fois, en un seul jour, le 25 décembre. Les Orientaux ont toujours fêté Noël le 6 janvier. On ne sait pas en fait le jour exact. C’est plein de sens qu’on fête la naissance de Jésus à Noël. Il y avait une grande fête païenne à ce moment-là. C’était la fête du solstice d’hiver, au moment où la nuit de l’hiver est à son plus profond et les jours les plus courts. À ce moment-là, le soleil s’élance de nouveau dans sa course triomphante pour atteindre son zénith au 21 juin moment où les jours sont les plus longs. Et, le soleil a pour mission de réchauffer et de féconder la terre afin qu’elle puisse tout ce dont les hommes ont besoin pour se nourrir.
Dans les ténèbres de l’erreur où était plongée l’humanité est apparu le Soleil divin pour illuminer les âmes et les féconder afin qu’elles produisent des fruits divins. Comme dit l’Écriture Jésus est : « Soleil divin, l’Astre d’En-Haut qui vient nous visiter pour illuminer ceux qui gisent dans les ténèbres et l’ombre de la mort. » (Lc 1 :78-79) Jésus disait : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jn 8 :12)
Mais Jésus vient-il pour être la lumière du monde seulement le jour de Noël? Est-il venu pour éclairer seulement les bergers, ou seulement les Juifs qui ne l’ont pas reconnu? Non, Jésus est venu sauver tous les hommes et il ne se préoccupe pas de races ou de peuples. Ce sont tous ses enfants aimés et il veut les sauver tous malgré les égoïsmes, les étroitesses et les prétentions des humains. Les Juifs croyaient qu’ils étaient le seul peuple élu du monde et enseignaient que seuls les circoncis entreraient au Royaume de Dieu. Jésus vient et déclare : « Dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de Grecs ou de Romains. » (Col 3 :11) Et Saint Paul affirme : « Le Juif n’est pas celui qui l’est en dehors, et la circoncision n’est pas au dehors, le vrai Juif l’est au-dedans et la circoncision dans le cœur, selon l’Esprit et non pas selon la lettre. » (Rom 2 :28)
Jésus est donc venu apporter à tous les hommes la lumière de la vérité et la vie divine. Mais comment a-t-il voulu que s’étende le Royaume de Dieu sur la terre? Par une méthode évolutionnaire et de développement progressif permettant aux hommes de bien comprendre d’abord, et ensuite d’établir le Royaume en eux et autour d’eux; tout comme le tronc qui est destiné à produire des branches.
Personne ne peut donner ce qu’il n’a pas. L’arbre qui n’a pas la nature du pommier ne peut pas produire le fruit du pommier. Celui qui n’a pas le Royaume de Dieu établi dans son âme ne peut pas travailler à l’établir autour de lui. Jésus a dit : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruits. » Et il ajoute : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15 :5)
La méthode de Dieu est toujours la même. Dieu ne change pas d’idée. Jésus a indiqué clairement le but final du Père des cieux : « C’est la volonté de mon Père que tous les hommes arrivent à la connaissance de la vérité et qu’ils soient sauvés. » (1Tim 2 :4)
D’autre part, Dieu ne change pas plus de méthode qu’il ne change d’idée. La méthode de Dieu est progressive, évolutionnaire. C’est clair, très clair, mais nous sommes si lents à comprendre! Jésus a comparé le Royaume de Dieu à une semence et une toute petite : le grain de sénevé. Il l’a comparé à la vie croissante et non pas à de grands discours : « Le Royaume de Dieu est comparable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences; elle devient un grand arbre où les oiseaux du ciel viennent s’abriter. » (Mt 13 :31-32)
Ainsi en est-il de la vie divine. Elle commence par une toute petite semence en nous au moment du baptême. Ensuite, elle croît lentement, elle se cultive et doit grandir jusqu’à devenir un grand arbre à pleine maturité i.e. une vie chrétienne pleinement développée : « Soyez parfaits comme le Père céleste est parfait. » (Mt 5 :48)
L’enfant qui naît a commencé par une toute petite cellule invisible à l’œil nu; elle s’est multipliée des millions de fois pour arriver à former le corps d’un enfant. Et tout n’est pas fini. Il faudra 20 ans pour faire un homme parfaitement développé.
Pour se développer, l’enfant a des efforts à faire. Remarquez l’incroyable activité de l’enfant qui bouge toute la journée et fait de continuels efforts physiques. Quand son cerveau se développe, il se met à poser d’interminables questions : pourquoi ça? Et comment ça? À l’école ensuite il apprend progressivement, jour par jour, pendant de longues années. On ne lui donne pas la matière de dixième année en première année. Sur le plan spirituel, c’est la même chose, il faut donner la nourriture progressivement. Saint Paul écrit à ses disciples : « Je vous ai donné du petit lait spirituel parce que vous ne pouviez pas porter une nourriture solide. » (1Cor 3 :2-3)
Mais comment Dieu veut-il que la vérité et la vie germent dans les âmes? Comme une toute petite graine qu’il faut semer et qui produit selon la valeur du sol, selon la préparation de l’âme qui reçoit l’annonce de la Parole : « Un semeur sortit pour semer. Une partie de la semence tomba sur le chemin et fut mangée par les oiseaux; une partie tomba en terrain pierreux et se dessécha après avoir germé; une autre partie tomba dans les épines et fut étouffée; enfin, le reste tomba en bonne terre et produisit 30, 40, 50 ou 100 pour un. » (Mt 13 :4-9)
Ainsi en est-il de la semence de la parole de Dieu. Elle est reçue selon la capacité et la préparation des âmes. De plus, l’âme doit faire son effort personnel et continu pour que la semence divine croisse en elle et se développe; tout comme la plante qui doit faire de grands efforts pour planter ses racines dans une terre dure. Il n’y a pas de paresseux dans le Royaume des cieux : « Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent le Royaume des cieux souffre violence, et des violents s’en emparent. » (Mt 11 :12) Les violents sont ceux qui sont capables de se faire violence, qui sont assez forts pour arracher l’œil ou la main qui les empêchent d’escalader les cieux et de gravir la montagne de l’amour. Le meilleur jardinier ne peut pas faire pousser une plante si elle ne fait pas son propre effort. De la même façon, personne ne peut faire pousser la vie divine dans une âme si elle ne fait pas son effort personnel pour connaître la vérité et pour l’appliquer dans sa vie. « Ainsi quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les mets en pratique peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. » (Mt 7 :24)
Et quelle sera la méthode de Dieu pour semer la vérité et la vie divine dans les âmes? Il a dit « Mes paroles sont Esprit et Vie. » (Jn 6 :63) Et Saint Paul dit : « Comment arriveront-ils à la foi s’il n’y a pas de prédicateurs? » La foi entre donc par les oreilles dans une âme qui cherche la vérité : « Cherchez et vous trouverez. » (Mt 7 :7) Jésus lui-même a dit quoi faire : « Allez annoncer l’Évangile, faites des disciples de toutes les nations, baptisez-les, enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai dit. » (Mt 28 : 19-20)
Chaque chrétien doit être un porteur de vie et un annonceur de la vérité. Chaque pommier doit donner des pommes ou bien on le coupe et on le jette au feu : « Dans la vigne, mon Père est l’agriculteur, si une branche ne porte pas de fruits, mon Père, l’agriculteur, la coupe et la jette au feu. » (Lc 3 :9) Chaque chrétien doit porter du fruit, un fruit de vie éternelle; il doit d’abord cultiver la vie divine en lui-même, faire des efforts pour qu’elle produise des fruits, éliminer les défauts, le mal, le péché afin que la vie divine croisse dans une terre toujours mieux préparée. Alors la vie divine jaillira de tout son être et éclairera tous ceux qui l’entourent. Sa parole elle-même sera porteuse de vie et fera jaillir la vie divine dans les âmes. Voilà la mission grandiose de chaque chrétien.
Chaque fois qu’on donne une parole de Dieu à une âme et qu’elle y croit, la vie divine jaillit ou grandit en elle. Saint Paul écrit : « Vous êtes devenus fils de Dieu par l’Évangile que je vous ai annoncé. » « Mes paroles sont Esprit et elles sont Vie. » (Jn 6 :63) Mais tout ne finit pas là. Le jardinier ne se contente pas de semer ses graines, il les cultive, les nourrit et les entretient jusqu’à la maturité. Voilà pourquoi Jésus a dit : « Allez, faites des disciples de toutes les nations, enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai enseigné. » Pour cela, il faut cultiver les âmes comme les fleurs. Elles ont surtout besoin du soleil de l’amour pour se développer. Par la Parole, le Verbe de Dieu s’incarnera dans chaque âme et ce sera continuellement Noël sur la terre.
Par nos mains, notre tête et notre cœur, Dieu reviendra sans cesse dans les âmes de bonne volonté.
TEXTE À MÉDITER
Et lorsque nous adorons la naissance de notre Sauveur, il se trouve que nous célébrons notre propre origine.
En effet, lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence : l’anniversaire de la tête, c’est l’anniversaire du corps.
Sans doute, chacun de ceux qui sont appelés l’est à son tour, et les fils de l’Eglise apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa Passion, ressuscité dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité.
Tout croyant, de n’importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu’il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n’appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l’homme pour que nous puissions être fils de Dieu.
Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l’enseigne Sait Paul, nous n’avons pas reçu l’esprit de ce monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les dons de la grâce de Dieu. On ne peut l’honorer avec assez de piété qu’en lui offrant ce que lui-même nous a donné.
Tous ceux qui sont devenus par adoption les membres du Christ doivent accourir pour rejoindre ensemble le premier-né de la nouvelle création, celui qui est venu faire non pas sa propre volonté, mais la volonté de celui qui l’envoie. Les héritiers divisés ou disparates ; ils ont les mêmes sentiments et les mêmes amours. Ceux qui sont recréés selon l’Image unique doivent avoir une âme qui lui ressemble.
La naissance du Seigneur Jésus, c’est la naissance de la paix. Comme le dit Saint Paul, c’est lui, le Christ, qui est notre paix. Que nous soyons d’origine juive ou païenne, c’est par lui que nous pouvons approcher le Père dans un seul Esprit. (Sermon de Saint Léon Le Grand pour Noël)
NOËL
Le vrai Christ, le vrai Dieu est terriblement encombrant. C’est pour cela qu’on s’en est débarrassé en ce temps-là. Et que nous nous arrangeons si bien pour nous en débarrasser en ce temps-ci.
Nous nous tournons avec nostalgie vers Noël. Nous nous plaignons de ne pas avoir vécu en ce temps où l’on pouvait voir, toucher, accueillir le Christ. Mais nous oublions que ce fut le temps où presque personne ne la reconnut, aimé, vénéré. Nous oublions surtout que ce temps continue, que pour nous aussi le Verbe s’est fait chair et habite parmi nous, toujours pauvre, toujours suspect, toujours méconnu.
Pensez donc : si les hôteliers de Bethléem avaient su qui frappait à leur porte, ils l’auraient ouverte. C’était des gens religieux comme nous… Mais ils ont cru que c’étaient deux clochards, deux immigrants, deux inconnus, deux encombrants, alors ils ne les ont pas reçus, comme nous autres ne les recevrions pas. Nous sommes trop raisonnables, trop prudents, trop occupés pour cela. Comment croire que Dieu peut se présenter à nous sous pareille forme? Dans nos maisons confortables, tout est occupé et il ne nous manque rien, même si le Seigneur n’est pas là. Car Il n’est là qu’avec le pauvre, avec le vieillard, avec l’étranger, avec celui qui croit et qui aime.
En qui l’accueillerons-nous? En qui le reconnaîtrons-nous aujourd’hui? (Père Eusèbe-H. Ménard)