Juin 1986 – Volume 2.6
Bienheureux les coeurs purs, ils verront Dieu
Dans la Charte du Royaume de Dieu il y a une béatitude qui peut faire de longues méditations : « Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5:8).
À quoi se réfère l’expression : « Cœurs purs ». On considère le cœur comme siège de l’amour. Le Seigneur veut donc dire ici : « Vers quoi se dirigent nos amours ? » Si vos amours sont dirigés vers le bien, vos pensées seront bonnes et dirigées vers le bien; si par contre votre cœur a des amours mauvaises, vos pensées seront mauvaises et dirigées dans le même sens. Alors votre volonté orientera les gestes et les actions dans la même direction.
Jésus a parfaitement montré la relation entre les pensées et les actions : « C’est du dedans du cœur des hommes que sortent les desseins pervers : débauches, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison. Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme » (Mt 15:19).
En français, cela veut dire que toutes nos actions et tous nos gestes sont d’abord fabriqués à l’intérieur de l’âme avant de se manifester au-dehors. Autrement dit : les pensées sont des actions qui ne sont pas encore matérialisées, ou pas encore manifestées à l’extérieur. Quelqu’un peut garder secrètement en son cœur une pensée de haine pendant des années, mais cette pensée ne sera visible qu’au moment où la vengeance sera réalisée, c’est-à-dire quand elle sera passée à l’acte.
Celui qui garde volontairement une pensée de vengeance finira par se venger au moment où l’occasion se présentera. Mais si en cours de route, il change d’idée et décide de pardonner à celui qui l’a offensé, l’acte sera supprimé puisque la source de l’acte sera tarie.
Les mauvaises pensées produisent de mauvaises actions et les bonnes pensées produisent de bonnes actions. On comprend pourquoi l’Église a toujours condamné les mauvaises pensées et demandé à ses fidèles de les chasser rapidement. Si la source des actions est mauvaise, les actions qui s’en suivront seront mauvaises.
PURIFICATION
Jésus nous invite donc à la purification des désirs et des pensées : « Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu ». Que veut dire : « ils verront Dieu? » Évidemment comme le dit Saint-Jean : « Dieu, personne ne l’a jamais vu » (Jn 1:18). Nos yeux de chair ne peuvent rien voir de ce qui est spirituel, ils ne voient que la matière. Pourtant celui qui a la foi pourra voir et connaître Dieu dans ses frères. Il se rappellera la parole de Jésus : « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25:40). Il se souviendra aussi de : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas » (Jn 4:20). C’est la foi qui nous permet de voir dans la dimension spirituelle. C’est elle qui guide nos pensées et nos actions. Saint Paul nous invite également à cette purification de nos pensées : « Frères, tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper (faire l’objet de vos pensées). Ce que vous avez appris, reçu, entendu de moi et constaté en moi, voilà ce que vous devez pratiquer. Alors le Dieu de la paix sera avec vous » (Ph 4:8,9).
Saint Paul veut apprendre à ses disciples à penser correctement pour agir ensuite comme de vrais chrétiens.
L’ACTION DES MAUVAISES PENSÉES
Prenons un exemple bien connu pour montrer la relation étroite et directe entre les mauvaises pensées, les mauvais désirs et les mauvaises actions. Considérez les Pharisiens qui voyaient en Jésus un ennemi dangereux, dangereux pour leur enseignement et menace pour leur position sociale et leur situation financière. Pour leur enseignement, Jésus a été sévère : « Vous mettez de côté la Parole de Dieu au nom de vos traditions » (Mt 15:6). « Ce sont des paroles d’hommes qu’ils enseignent » (Mt 15:9). Ayant d’autres pensées que celles de Dieu, les Pharisiens n’agissaient plus conformément à la Parole de Dieu : « Sur la chaire de Moïse se sont assis les scribes et les Pharisiens : faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes : car ils disent et ne font pas » (Mt 23:2). Ou encore : « Malheur à vous Pharisiens hypocrites qui payent la dîme de la menthe et du cumin et qui négligent les principaux devoirs de justice, de miséricorde et de bonne foi » (Mt 23:23). Ces paroles étaient très dures pour les Pharisiens, surtout que Jésus s’adressait à ce moment-là à la fois aux foules et aux disciples.
LA RÉPONSE DES PHARISIENS
Rien de surprenant alors que les Pharisiens ont fait surgir dans leurs âmes souillées des désirs de vengeance, des projets de destruction et de mort et des pensées mauvaises de toutes sortes. Comme les Pharisiens entretenaient constamment ces mauvaises pensées et qu’ils les discutaient entre eux en toutes occasions, ces pensées ne pouvaient pas ne pas se réaliser. L’esprit humain est si fertile qu’il peut démontrer n’importe quoi. Voilà ce qu’on a pu trouver pour condamner Jésus à mort : 1ère : C’est un blasphémateur puisqu’il s’est dit le fils de Dieu . En conséquence, il mérite la mort. 2e : Il ne sait pas reconnaître une prostituée, ce n’est donc pas un prophète. 3e : On voit bien, dirent-ils, que tu es un possédé. 4e : Il mange avec les publicains et les pécheurs. Tout le monde sait que ce qui se ressemble s’assemble. C’est donc un pécheur. C’est-ce qu’ils affirmèrent devant l’aveugle-né : « nous, nous savons que c’est un pécheur » (Jn 9:24). 5e : C’est un type qui fait des sciences occultes, « il est en contact avec le chef des démons, c’est pour cela qu’il peut chasser les démons » (Mt 9:34).
Les Pharisiens ne savaient sans doute pas que « les mauvaises pensées viennent du cœur » et que leurs pensées révélaient aux yeux de tous que leur âme était une sale boîte aux vidanges. C’est sans aucune gêne que Jésus les apostropha en disant : « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblent à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans, vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité » (Mt 23:27-29).
Les mauvaises pensées des Pharisiens se réalisèrent; leur haine et leurs passions les ont conduits à tuer celui qui leur apportait la vie. En tuant la Vie, c’est eux-mêmes qu’ils ont placés sur l’autel de la destruction. Ils avaient crié devant Pilate : « Que son sang retombe sur nous et nos enfants » (Mt 27:24). Trente ans plus tard arrivaient les armées romaines qui les massacrèrent sans pitié : « eux et leurs enfants ». La justice de Dieu est inexorable pour ceux qui refusent la miséricorde. Voyons maintenant quelles étaient les pensées de Jésus et ses actions.
LES PENSÉES DU CŒUR DE JÉSUS
Déjà dans l’Ancien Testament, nous découvrons la pensée de Dieu. « J’écoute en mon cœur ce que dit le Seigneur. Et ce qu’il dit c’est la Paix » (Ps 85:9). « Mes pensées sont des pensées de paix et non de malheur » (Jr 29:11). Dieu annonce qu’il vient pour faire la paix avec nous. Nous étions en révolte contre lui; nous étions en guerre avec lui et lui vient pour faire la paix en payant nos dettes de guerre. C’est la rédemption, le rachat des esclaves du péché.
Jésus dont le nom signifie sauveur vient pour sauver. Au dîner chez Matthieu avec les publicains, les Pharisiens se scandalisent et disent aux Apôtres : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs? » Tout de suite Jésus reprend en livrant tout le fond de sa pensée et le sens de sa mission : « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (Mt 9:10-13).
Nous retrouvons la même pensée de Dieu dans la parabole de l’enfant prodigue. C’est le père qui reçoit son enfant égaré en lui ouvrant ses deux bras, son cœur et sa maison. Dès que le pécheur a un désir de revenir à Dieu, celui-ci court au-devant de lui et fait quatre-vingt-dix-neuf pas pendant que le pécheur en est encore à son premier pas seulement.
La pensée de Dieu ne change pas. Dieu n’est pas un homme. Nous lisons dans l’Ancien Testament : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » (Ps 86:15). Les mauvaises pensées viennent du cœur, mais également les bonnes. « Un arbre bon porte de bons fruits et un arbre mauvais porte de mauvais fruits » (Mt 12:33).
Dieu est amour et sa manifestation parfaite sur la terre ne pouvait pas être autre chose que l’amour. Jésus vient pour aider, « pour sauver ce qui était perdu ». Jésus ne vient pas pour juger et condamner, il vient pour relever le pécheur et l’aider à remonter jusqu’à lui. Il va jusqu’au sacrifice de sa vie pour démontrer son amour, après avoir passé sa vie à libérer les âmes par la vérité et à guérir les corps meurtris.
Il vient établir le Royaume de Dieu, le Royaume de l’amour. « Si mon Royaume était en ce monde, j’aurais des soldats pour me défendre », dit Jésus à Pilate. Au jardin des Oliviers, alors que Pierre dégainant son épée avait coupé l’oreille d’un serviteur du grand prêtre, Jésus lui dit : « Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges? Mais comment s’accompliraient les Écritures : il a été compté parmi les scélérats » (Mt 26:52-54) (Lc 22:37).
Les pensées de Dieu sont des pensées d’amour, de paix, de tendresse et de pitié. Mais Jésus nous dit : « Je vous ai donné l’exemple pour que vous fassiez de même » (Jn 13:15).
ET NOUS?
Pensons-nous que nous arriverons à la gloire par un autre chemin que Jésus? Si nous avons à souffrir quelque chose, cela ne nous plaît pas; cela ne plaisait pas à Jésus non plus. Au jardin des Oliviers il disait : « Père si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi, mais que ce soit ta volonté qui se fasse et non la mienne » (Lc 22:42). Quand on nous critique, oublions-nous que Jésus a été poursuivi dans toutes les synagogues par les Pharisiens et les prêtres du temps? Oublions-nous qu’il a bien averti ses Apôtres : « je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » (Mt 10:16). Serait-ce pour se faire flatter? Si nous sommes des lâches, nous refuserons de suivre le Christ jusqu’au Calvaire en espérant quand même la résurrection. Illusion ! Jésus a été clair : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il se renonce, qu’il prend sa croix et qu’il me suit » (Lc 9:23). Voilà le chemin !
Pardonner, c’est dur, mais Jésus dit de pardonner soixante-dix fois sept fois à son frère. Il ajoute : « Si vous ne pardonnez pas aux autres leurs offenses, votre Père non plus ne vous pardonnera pas » (Mt 18:35).
Jésus a dit : « Ne jugez pas vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas, vous ne serez pas condamnés » (Lc 6:36). Pourquoi a-t-il dit cela? C’est parce qu’on récolte infailliblement ce que l’on sème et tout ce que l’on sème. Un jour ou l’autre, nous serons surpris de rencontrer des malheurs; nous serons tout surpris de rencontrer des broussailles et des épines. Nous aurons oublié qu’un jour nous avons semé de mauvaises graines qui ont germé et porté des fruits. « Un arbre mauvais ne peut pas porter de bons fruits » (Mt 7:18).
Le Royaume de Dieu est le Royaume de l’amour. C’est jour par jour, avec de toutes petites choses, que l’on peut croître dans l’amour et donc nous diviniser. Il faut pour cela adopter les pensées et les vues de Jésus. Ainsi nous purifierons les nôtres et nos actions se purifieront. « La route est étroite qui conduit à la vie et il y en a peu qui la trouvent » (Mt 7:13).
Serons-nous de ceux qui montent jusqu’au sommet ou rebrousserons-nous chemin avec la multitude qui s’en va à la perdition? Personne ne peut décider pour nous, pas même Dieu. « Je mets devant toi le bien et le mal, la vie et la mort, le malheur ou la bénédiction. Choisis ! » (Dt 11:26).